Le documentaire parodique représente un aspect peu connu du cinéma mais pourtant plein de créativité. C’est un genre defilms créés dans l’esprit d’un documentaire mais qui ont un sujet fictionnel, que ce soit un groupe de musique n’ayant jamais existé ou un évènement historique qui n’a jamais eu lieu. Le plus souvent les documentaires parodiques ont un aspect satyrique et des caractéristiques communes. Par exemple il n’est pas rare que le réalisateur ou quelqu’un d’autre de la technique ne se retrouve en tant qu’acteur également. Il arrive parfois même, pour plus de réalisme, que ces films soient tournés en public. Alors, une partie des participants n’est pas au courant qu’ils tournent dans une fiction. Le sujet choisi peut être plus ou moins réaliste, allant même jusqu’à la télé réalité avec des vampires, un film est considéré comme un documentaire parodique tant qu’il reprend les codes du genre.

Par définition, un documentaire parodique est donc une comédie produite et montée dans le style d’un documentaire, souvent avec un rapport privilégié avec le public. Il n’est pas rare qu’un acteur ou autre brise le quatrième mur pour donner de la contenance et de la crédibilité à cet aspect documentaire.

La plupart des documentaires parodiques sont des comédies mais il est possible de mettre en avant d’autres genres. On peut notamment penser au Projet Blair Witch de Daniel Myrick et Edouardo Sanchez ou à Paranormal Activity de Oren Peli qui s’inspirent fortement du côté documentaire sans l’aspect comédie.

Aujourd’hui, le style du documentaire parodique a également influencé des sitcoms de renoms (The Office pour ne citer qu’elle) tant le style est original et laisse beaucoup de place à l’imagination. En effet, tous les sujets sont potentiellement bons pour réaliser un documentaire parodique réussi.

Une Brève histoire du documentaire parodique

On peut voir dans les années 30 avec Terre sans pain (1933) de Luis Bunuel ou encore plusieurs faux reportages radio du 1er Avril, les prémices d’un genre qui va prendre de l’ampleur quelques décennies plus tard. Il est souvent reconnu que Woody Allen, avec Prends l’Oseille et tire-toi, est celui qui a introduit le genre au cinéma en 1969. On y suit Allen lui-même qui joue le rôle d’un criminel : Virgil Starkwell dont on explore les crimes tout au long du film. Idée qui a marqué l’univers du documentaire parodique puisque, en 1992, Benoit Poelvoorde, entre autres, participe à la réalisation de C’est arrivé près de chez vous, parodie de l’émission Belge Strip-tease. On y suit un mercenaire qui nous explique son métier et ses exactions. Le film est l’un des premiers documentaires parodiques francophones et reste à ce jour un des plus importants et réussis.

Mais c’est surtout au début des années 1980 que le genre prend un nouveau tournant et attire de plus en plus l’attention. Le nombre de production se fait de plus en plus élevé et les sujets abordés de plus en plus divers (Les dieux sont tombés sur la tête de Jamie Uys en 1980 est mis en scène à la manière d’un documentaire sur la nature avec une voix off appartenant à un soit disant biologiste, en 1982 Atomic Café de Kevin et Pierce Rafferty est un film sur la guerre froide faite d’archive datant des années 1950, en 1988 Woody Allen est de retour avec Zelig…).

Le genre prend une toute autre ampleur en 1984 avec This isSpinal Tap de Rob Reiner. Le film s’est imposé comme un exemple en la matière. Co-écrit par Christopher Guest, il est le premier d’une longue série (Waiting for Guffman, Bêtes de Scène, A Mighty Wind) faisant de lui un des principaux contributeurs à l’essor des documentaires parodiques.

Néanmoins, ce style a des limites et il arrive parfois que le film soit trop convaincant et puisse engendrer nombre de critique lorsque le public apprend le côté parodique et fictif du documentaire. C’est ce qui est arrivé en 1995 avec ForgottenSilver de Peter Jackson et Costa Botes. Ce film Néo-Zélandaisraconte la découverte d’un réalisateur qui aurait été un pionnier, totalement oublié de tous, du cinéma en couleur. Celui-ci aurait également réalisé le premier film de Kung-Fu. Ce documentaire parodique était si crédible que les spectateurs se sont plaints lorsqu’ils ont appris que tout était finalement faux.

Une autre limite, tout aussi importante et mettant à mal toute la crédibilité du film, c’est l’utilisation d’acteurs trop connus. C’est le cas de Borat : Leçons culturelles sur l’Amérique au profit glorieuse nation Kazakhstan de Larry Charles sortit en 2006 où Sacha Baron Cohen tient le rôle principal. Étant déjà connu pour son rôle de rappeur extravagant dans Ali-G, il ne reste au film plus que le côté comique, le côté documentaire étant totalement annihilé. Cela n’empêche pas le film d’être un véritable succès commercial et le documentaire parodique ayant fait le meilleur profit de l’histoire. Surtout, Sacha Baron Cohen réitèrera l’exploit trois an plus tard avec Brüno.

 

Le genre du documentaire parodique en 4 films :

  • Spinal Tap (1984) de Rob Reiner

Dans ce film, nous suivons le groupe de hard-rock britannique fictif : Spinal Tap. Le groupe est à l’apogée de son talent, rendent leurs groupies folles et font salle comble à chacun de leur concert.

C’est un classique du genre, souvent considéré comme l’un des documentaires parodiques les plus réussis. On enchaîne des interviews, des séquences caméra à l’épaule, toujours en essayant d’être le plus intimiste possible. C’est par sa crédibilité et son absurdité, propre au monde du hard-rock, que le film est un franc succès.

  • C’est arrivé près de chez vous (1992) de Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde

C’est arrivé près de chez vous raconte l’histoire de Ben, un mercenaire via le prisme d’une équipe de journaliste désirant tourner un reportage sur sa vie de tous les jours. Dès les premières scènes, tout l’enjeu du film nous apparaît clairement : dénoncer le cynisme parfois inhumain et très voyeuriste du journalisme. En effet, le film commence par une scène où Ben explique comment bien lester un corps pour qu’il reste au fond d’un lac. C’est avec un sang-froid sans borne, très perturbant qu’il compare la quantité de pierre à mettre pour un enfant, une personne âgée qui aura les os poreux ou un adulte lambda. Sans concession, jusqu’au-boutiste, le film apporte parfaitement le genre du documentaire parodique dans les pays francophones.

  • Bêtes de Scène (2000) de Christopher Guest

Le film aborde un thème aussi déroutant qu’original : les concours canins. On suit ici de nombreux propriétaires, tous aussi excentriques et tous aussi fiers les uns que les autres, qui participent au prestigieux salon du Mayflower. La crédibilité est renforcée car l’on suit d’un côté les participants (et l’ancienne championne) et de l’autre les organisateurs et hôteliers prêts à accueillir l’amas de monde. En effet, le Salon du Mayflowerdésigne le plus beau chien de l’année. Toutes les races y sont conviées mais un seul chien pourra obtenir le titre.

Le film est burlesque par le sujet abordé mais également par ses personnages hauts en couleur : de l’humble vendeur dans un magasin de pêche à l’épouse d’un riche millionaire, du coiffeur extravagant au présentateur franchouillard… tous les clichés des États-Unis profonds y passent.

Intelligemment réalisé, drôle et crédible à la fois, Bêtes de Scène est un documentaire parfaitement mené sur un sujet des plus originaux.

  • Houston, we have a problem! (2017) de Ziga Virc

C’est le moins connu de ces 4 films, mais peut être le plus perturbant de crédibilité. On a ici un documentaire parodique historique sur une période encore pleine de zones d’ombres et de complexité : la Guerre Froide. S’appuyant sur des images d’archives et des documents officiels, le réalisateur nous fait croire avec brio que, pendant cette guerre les États-Unis tentent tout pour dépasser l’URSS dans la course à l’espace. Un allier précieux et pour le moins surprenant fait son apparition : Tito. Il décide de vendre l’intégralité de son programme spatial en cachant qu’il est défectueux. Cela ne sera évidemment pas sans conséquence pour les États-Unis et la Yougoslavie.

Ce film se démarque parce qu’il mêle très habilement les faits avérés (par exemple un voyage officiel de Tito au Maroc) et des mythes pour nous confondre dans la réalité si bien qu’à la fin du film il nous est compliqué de savoir démêler le vrai du faux. La complexité de ce film met en avant toute la complexité d’une époque, dont on ne connaît pas, encore aujourd’hui, totalement tous les tenants et les aboutissants.

Le genre du documentaire parodique, bien qu’encore méconnu, nous propose un florilège de film qui méritent d’être vus sur des sujets aussi variés que possible : musique, politique, histoire… En reprenant les codes du documentaire et en se les appropriant, il parvient également à dénoncer certains vices, on le voit notamment dans C’est arrivé près de chez vous, qui met en avant sans scrupule la vie d’un mercenaire, dénonçant par la même le côté parfois jusqu’au-boutiste d’émissions comme strip tease. Parfois vraiment crédible, souvent drôle mais toujours intelligent, le documentaire parodique peut surprendre, mais il a toujours beaucoup à nous apprendre, autant d’un point de vue du story telling que des possibilités de faire un film vraiment pertinent souvent avec un budget minime.

Louis Perrin

Estelle
Author: Estelle

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