Personal Profile
Name: Michel Gomez
Role: Délégué Géréral de Mission Cinéma
Location: Paris
A travaillé sur: Mission: Impossible – Fallout, Midnight in Paris,…
Un peu plus sur Mission Cinéma...
Paris est une ville unique par la diversité de son offre cinématographique. L’objectif de la Mission Cinéma: préserver cette richesse, mais aussi impulser une politique cohérente de soutien en faveur du cinéma. Nous avons eu la chance de rencontrer Michel Gomez, Délégué Général de la Mission Cinéma, dans les bureaux de Mission Cinéma en plein de cœur de Paris. Entourés de photos de tournage sur les murs, nous avons commencé l’interview.
Les tournages à Paris en quelques chiffres :
– 5500 jours de tournages à Paris en moyenne par an
– 400 publicités
– 120 long métrages
– 100/150 séries
– 20 tournages à Paris par jour
– 90 cinémas dans paris, représentant 420 écrans
Interview
Est-ce que vous pouvez nous parler un peu plus de votre parcours ?
Économiste de formation, le hasard de la vie a voulu qu’en parallèle de mes études à Paris 9 Dauphine, je commence à travailler dans le cinéma. Après avoir écrit le scénario d’un film que nous avons tourné après le bac avec une bande de copains, j’ai rejoint l’équipe de la quinzaine des réalisateurs de Cannes. J’ai d’ailleurs pendant très longtemps eu une double vie! Une vie d’universitaire et une vie dans le cinéma.
J’ai rejoint une association: “la Société des Réalisateur de Films“. Quelques années plus tard, au moment des négociations de l’exception culturelle, je suis devenu délégué général de l’ARP (Société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs). Grâce à l’ARP, j’ai pu participer à d’incroyables projets et notamment à la construction d’une salle de cinéma à Kaboul. En 2009, Mission Cinéma est venu me chercher!
Après un moment d’hésitation, j’ai accepté de rejoindre cette petite boutique aux grands projets. Il est vrai que j’ai la chance d’avoir un poste avec une diversification des tâches très intéressante, où aucun jour ne se ressemble. Nous pouvons nous occuper d’un énorme tournage de film américain dans nos rues, tout comme aider un cinéma indépendant à lancer son activité. Ce travail est très enrichissant aussi bien personnellement que professionnellement. Il est très satisfaisant de travailler sur des projets concrets, de participer à la pré-production d’un film, et d’assister au tournage le jour J. Nous travaillons aussi à soutenir des projets liés à la création et au développement. Voir le résultat de notre travail est particulièrement gratifiant. Il est cependant primordial d’avoir une certaine flexibilité. Ce matin par exemple, j’ai eu l’occasion de mettre en relation le préfet de police avec le réalisateur Jean-Jacques Annaud, qui prépare actuellement un long métrage sur l’incendie de la cathédrale de Notre-Dame de Paris.
Comment est composée la team de Mission Cinéma et comment répartissez-vous le travail au sein de l’équipe?
Nous avons deux activités bien distinctes. La première, qui nous prend le plus de temps, est l’accueil des tournages ! Nous accueillons à Paris plus de 5000 jours de tournage par an. L’année dernière, nous en avons eu 5500, ce qui représente en moyenne une vingtaine de tournage à Paris par jour. Une grosse partie de l’équipe se concentre donc sur ce travail. Nous avons ensuite une politique d’action culturelle. Grâce à deux fonds d’aide (pour les courts-métrages et les nouveaux médias) nous aidons des projets à voir le jour. Notre but étant de promouvoir le cinéma dans Paris, nous pouvons être sollicités pour des projets divers et variés. Il nous a entre autres été demandé d’organiser un important événement à Cannes dans le cadre de la participation de Paris aux Jeux Olympiques de 2024. Nous subventionnons aussi des associations organisatrices de festivals. Nous avons particulièrement à cœur de développer des festivals pour les enfants, et mettons tout en œuvre pour que les plus jeunes, de la maternelle jusqu’au lycée, puisse découvrir le cinéma.
Pouvez-vous nous parler du Forum des images?
Le Forum des images est une institution qui a largement évolué depuis sa création. Le forum est né dans les années 1980, au moment où le Forum des Halles a été construit. Au-delà d’un site marchand, les élus en place à ce moment-là ont voulu faire du Forum des Halles un lieu culturel. C’est notamment pour cela que des bibliothèques, des conservatoires et le Forum des Images ont été construits. À ses débuts, le Forum des images visait à être un lieu de mémoire visuelle de Paris. On devait pouvoir y consulter tous les films ou extraits de films dans lesquels apparaissait la capitale. Le rôle de ce lieu à ensuite très vite évolué, jusqu’à devenir un festival d’apprentissage de l’image où sont diffusés des films par thème, et non pas par réalisateur, comme cela peut être le cas avec les cinematech.
Depuis 2 ans, nous avons également installé un programme intitulé TUMO qui permet aux intéressés d’apprendre à faire des images d’animation.
Comment aidez-vous les salles indépendantes parisiennes à se développer ?
Les salles de cinéma sont des lieux d’activités privés. Notre rôle est de nous assurer qu’elles proposent à la population une offre cinématographique la plus diversifiée possible. Paris est la capitale mondiale détenant le plus grand nombre d’écrans par habitant. Nous avons environ 90 cinémas à Paris, ce qui représente 420 écrans à travers la capitale. Nous aidons aussi les grands cinémas dans leurs projets de rénovations ou d’amélioration de leurs bâtiments. Pour les plus petits cinémas, nous avons une enveloppe de 1 million d’euros par an pour les aider à développer différents projets et à financer leurs travaux. Avec la crise sanitaire actuelle, ce budget nous permet de soutenir les petits cinémas et de les aider à relancer leur activité après avoir été fermés pendant 3 mois. Il s’agit d’une épreuve terrible pour eux, et nous devons maintenant concentrer tous nos efforts pour assurer la relance.
Quel est votre degré d’implication dans l’éducation du public au cinéma ?
Nous mettons en place des projets divers et variés pour éduquer le public au cinéma. Avec Mon Premier Cinéma, nous projetons des films dans les maternelles pour les plus jeunes. Nous avons aussi un très gros festival dédié à la jeunesse pendant les vacances de la Toussaint. Et le Forum des images est devenu un lieu de formation des images. A travers ces projets, notre principale politique cinématographique est de permettre l’éducation à l’image.
Paris est une ville reconnue à l’international, notamment grâce aux films qui mettent (presque toujours) en avant la beauté de la ville! Comment Mission Cinéma participe à cette promotion?
C’est simple, ce sont les films qui font la promotion de la ville. Notre rôle est d’assister les sociétés de production à réaliser des films dans Paris. Nous sommes là pour les soutenir et pour encadrer les tournages. Nous travaillons à la fois avec les sociétés de production, les régisseurs et les locations manager pour s’assurer du bon déroulement des tournages et éviter tout incident ou toute dégradation.
Des films tournés à Paris tels que « Midnight in Paris » de Woody Allen, ou le dernier « Mission impossible : Fallout » avec Tom Cruise, contribuent de manière significative au rayonnement à l’international de la ville. C’est grâce à ce type de film que l’image de Paris voyage dans le monde entier. Cela permet aux touristes de découvrir la ville et de leur donner envie de la visiter. Pour ce qui est des professionnels de l’industrie, nous n’avons même pas besoin de faire de publicité, ils savent que Paris est un lieu central pour les tournages. A travers ces films, les réalisateurs et les sociétés de production peuvent découvrir les différents décors qu’offre la ville, et cela les encourage à venir tourner dans un décor naturel.
De nombreuses séries sont également tournées à Paris. Le tournage de la série Netflix dédiée au jazz, THE EDDY, par exemple, a duré 1an et demi. Nous préparons actuellement le tournage d’une série pour Apple TV qui débutera au mois de septembre et devrait durer jusqu’en juillet prochain.
Comment arrivez-vous à maintenir un équilibre entre les besoins des tournages et la vie des Parisiens?
Cela demande beaucoup de travail et peut s’avérer très compliqué. Ces dernières années, nous avons pu voir une explosion de demandes de films d’époque, à l’image de « J’accuse » de Roman Polanski ou de la série de TF1 « Le bazar de la charité ». Les films d’époque représentent une logistique considérable ! Il faut enlever toutes les voitures, le mobilier urbain, mettre de la terre sur le sol, changer les lampadaires… Tout ce qui est de notre époque doit être retiré ! En ce moment, nous préparons le tournage d’une importante production, « Eiffel » avec l’acteur Romain Duris. Ce film parlera de la vie de Gustave Eiffel et de la construction de la Tour.
Nous avons instauré une règle afin de permettre à la ville et à ses habitants de respirer un peu. Lorsqu’un film est tourné dans un quartier, nous nous assurons avec l’équipe qu’aucun tournage dans cette zone n’aura lieu pendant les 2 à 3 semaines suivantes. Nous mettons la zone “en jachère”, car Paris n’est pas un studio permanent. Notre rôle est d’assurer la réalisation de tournage tout en pensant au bien-être de la population. Contrairement à d’autres villes telles que Londres, Paris est une ville relativement dense et peu étendue. La concentration de tournages y est donc assez importante.
Un tournage tel que celui de « Mission Impossible » avec Tom Cruise, nécessitant 140 camions de 40 mètres cube à stationner dans la ville, représente une gestion considérable. Deux mois de tournage plein tous les jours ont été nécessaires et ont mis à contribution nos équipes de manière intensive. Il faut savoir aussi composer avec les demandes des acteurs et des réalisateurs. Tom Cruise désirait avoir 3 loges : une pour lui-même, une pour ses costumes et une pour pourvoir y faire de la gym. Il a donc fallu trouver un endroit dans Paris suffisamment grand pour répondre à sa demande. Ses loges ont donc été installés sur la place de la concorde.
Pour le film « Midnight in Paris » de Woody Allen, le film devait être tourné de nuit! Les rues étant vides la nuit, cela était plus simple à gérer pour nos équipes. De plus, Woody Allen se couchant tôt, nous avons dû composer avec ses demandes. Nous avons notamment appris 3 semaines avant le début du tournage que celui-ci commencerait à 21h00, ce qui s’avérait très compliquée pour nous en matière de logistique.
Il faut aussi savoir que tous les tournages de films étrangers passent par un producteur exécutif français. Des sociétés telles que Firstep sont spécialisées dans ce domaine, et sont là pour négocier les tournages à Paris ou dans d’autres villes de France, grâce à un cahier des charges. Elles doivent ensuite s’assurer du bon déroulement du tournage. Nous n’avons de notre côté aucun contact avec les sociétés de production, sauf cas exceptionnel. Désormais, de nombreux pays offrent des crédits d’impôt, si des sociétés de productions tournent à l’étranger. Afin d’obtenir ce crédit, il faut notamment passer par des sociétés gérées par un producteur exécutif. Pour toutes les productions françaises, ils sont juste à embaucher une société de production avec des régisseurs et organiser le tournage.
Le tournage d’un film ou d’une série peut attirer de nombreux fans. Communiquez-vous en avance les informations de lieu et de date du tournage au public?
Les tournages américains sont généralement fermés à la presse et au public. Cela n’empêche pas la présence de public sur des tournages d’ampleur comme celui de « Mission Impossible ». Dans ce cas-là, une barrière est mise en place afin de garder les personnes à distance. Tom Cruise en profitait pour régulièrement saluer la foule et signer des autographes.
La sécurité du tournage est de la responsabilité de la production. Nous intervenons uniquement lors d’un tournage ou d’une scène particulière. Par exemple, nous avons fait venir une brigade fluviale lors d’une prise sur la Seine pour « Mission Impossible ». La brigade a alors fermé la Seine des deux côtés afin de s’assurer de la sécurisation du périmètre de tournage.
Quels sont les retombées de tous ces tournages pour la ville ?
La création d’emplois constitue la première retombée de l’activité. Quand on a plus de 5000 jours de tournage par an, cela crée de l’emploi pour les 150 000 intermittents du spectacle travaillant en Île-de-France et à Paris.
La deuxième retombée est économique. Les recettes représentent environ 2 millions d’euros par an. A savoir que tourner dans Paris est gratuit, ce qui n’est pas le cas de villes comme New York ou Londres où un droit d’entrée est nécessaire. Tourner dans un musée, à l’hôtel de ville ou dans un endroit particulier induit en revanche des frais. Le stationnement est également à la charge de la production, ce qui génère à la ville une source de revenus supplémentaires.
La troisième retombée est le rayonnement mondial de la ville ! Les publicités tournées à Paris y contribuent également à hauteur de 400 publicités par an. De nombreuses marques de luxe, de parfum et de maroquinerie viennent tourner leurs publicités à Paris, à l’image de Longchamp que nous avons récemment accueillis pour un tournage.
Comment voyez-vous Mission Cinéma évoluer ? Quels sont vos objectifs ?
Notre activité est en permanente évolution. La ville de Paris est notamment en pleine transition écologique et nous avons donc à cœur d’y participer en intégrant cette dimension aux tournages. Cela peut passer par la réduction du nombre de véhicules utilisés par les productions ou l’utilisation de véhicules électriques. Un autre challenge pour nos tournages est celui de la mise en place de nombreuses zones piétonnes ou pistes cyclables dans Paris.
Nous voulons également faire évoluer le dispositif scolaire avec le développement de l’accès à l’image et la poursuite de notre mission d’apprentissage auprès de la jeunesse parisienne, et continuer à subventionner les courts-métrages et les nouveaux médias via les fonds mis en place par la mairie.
Un autre enjeu important pour nous est de continuer à aider les cinémas indépendants à se développer et à trouver leur place dans la ville. De beaux projets de constructions de très belles salles à Paris sont en cours et nécessitent notre soutien dans la conduite des travaux.
Comment évaluer vous les conséquences de la pandémie sur votre mission et sur vos objectifs ?
Les conséquences sont dévastatrices ! Nous avons dû mettre en pause les tournages pendant 3 mois. La reprise a eu lieu dès le 11 mai, car nous souhaitions reprendre le plus rapidement possible. Paris a été l’une des premières villes dans le monde à reprendre les tournages. Notre challenge dans les mois à venir va être de gérer les décalages de tournages liés à la pandémie et d’éviter au maximum les embouteillages entre les tournages qui ont été reportés de 3 mois. Nous allons tenter d’accueillir un maximum de tournages tout en laissant aussi des moments de repos au Parisien.