Personal Profile
Noms: Anne Robert et Sonia Gacic-Blossier
Rôles: Responsable Communication Opérationnelle Paris-Charles de Gaulle and Responsable Relation Presse du groupe ADP
Lieux: Paris
Ont travaillé sur: Taken, 15;17 Paris, Bird People, Un + Une
Un peu plus sur Paris Aéroport...
Alliant ambiance vintage et décor moderne, les aéroports de Paris ne cessent d’attirer les réalisateurs de films. Paris Aéroport accueille chaque année de nombreuses sociétés de production, et mène un travail d’orfèvre pour garantir le bon déroulement des tournages tout en maintenant l’activité aéroportuaire.
Nous avons eu la chance d’interroger Anne Robert, Responsable Communication Opérationnelle Paris-Charles de Gaulle, accompagnée de Sonia Gacic-Blossier, Responsable Relation Presse du groupe ADP sur la question des tournages dans les aéroports de Paris.
Interview
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Quels types de tournages Paris Aéroport accueille-t-il ? A quelle fréquence ont lieu les tournages de films ? Est-ce que le nombre de demandes de tournage est plus important par rapport aux films qui sont réellement tournés ?
On accueille dans des proportions à peu près identiques autant de long-métrages, de séries télévisées, de court-métrages, de publicités et des documentaires pour de l’illustration. Sur une année normale, comme l’année dernière, nous avons accueilli environ une dizaine de long-métrages et 5 séries télé dans l’année, soit 1 à 2 tournages de film ou de série par mois. Les tournages aéroportuaires représentent donc une activité assez soutenue pour l’équipe, d’autant plus que cela nécessite un temps long de préparation. Nous avons donc une belle activité avec ce qu’on appelle de gros tournages d’environ 150 personnes.
Nous avons en effet beaucoup de demandes, qu’on ne peut pas entièrement satisfaire. Mais nous avons la chance chez Paris Aéroport de pouvoir proposer d’autres lieux ou d’autres décors avec des ambiances différentes lorsqu’un décor ne convient pas à un réalisateur. Quand je refuse un tournage sur l’aéroport Charles de Gaulle parce que je n’ai pas le décor souhaité par la réalisation, je peux à la place leur proposer l’aéroport du Bourget ou l’aéroport d’Orly. Très souvent, les réalisations nous demandent un décor vintage que l’on ne peut pas fournir avec l’aéroport Charles de Gaulle puisqu’il a été construit en 1974. L’aéroport d’Orly en revanche possède des coins très vintages que nous pouvons proposer. Pour un décor plus moderne, les deux aéroports conviennent très bien. On a la chance d’avoir beaucoup de décors sur divers lieux qui peuvent facilement répondre aux attentes des réalisateurs.
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Quelles conditions doivent être respectées par un film et par les équipes de production pour que leur demande soit acceptée ?
Après avoir fait plusieurs repérages et s’être mis d’accord avec la production sur le décor qui sera utilisé, nous demandons à connaître l’ambiance et la tonalité du film. On ne cherche pas à interférer dans la création, mais nous souhaitons lire le scénario car il y a quelques limites que l’on se refuse de franchir. Par exemple, si le film est un film à charge contre les compagnies aériennes, nous refuserons la demande. Si le sujet porte sur un attentat qui malmènerait la crédibilité de l’aéroport sur l’aspect sécuritaire, nous n’accepterons pas non plus. Les tournages ne sont pas notre activité principale, nous faisons ça pour satisfaire les sociétés de production et pour faire rayonner l’image de l’aéroport donc nous ne voulons pas que le film ternisse cette image.
Les contraintes les plus importantes pour l’acceptation de la demande concernent la sécurité, primordiale pour les aéroports. Nous faisons beaucoup de pédagogie pour briefer les équipes de production sur la partie logistique afin qu’elles respectent toutes les normes et contraintes de sécurité qu’on va leur imposer. Il y en a beaucoup, mais les productions en général se comportent extrêmement bien. Nous essayons vraiment de travailler en amont cet aspect-là pour que tout soit prêt le jour du tournage.
En premier lieu, nous commençons par vérifier l’identité de chaque membre de l’équipe de production, des techniciens et des figurants, puis nous délivrons des laissez-passer spécifiques pour le tournage. Ensuite, tous les chargements doivent être inspectés (passage au rayon X, inspection par des chiens…). On s’assure que tout ce qui rentre dans la zone réservée de l’aéroport soit parfaitement sécurisé. Nous demandons par exemple toutes les licences et permis des armes factices et uniformes de police ou de l’armé utilisés pour certaines scènes de cinéma. La préfecture de police me demande également de produire des dossiers techniques avec l’implantation des caméras, les matériaux apportés dans le terminal… C’est le travail de mon équipe de mettre tout cela en place avec la police, la préfecture et la gendarmerie des transports aériens. Ce sont des grosses contraintes pour les productions, mais qui sont indispensables pour garantir la sécurité de l’aéroport. Une fois le tournage terminé, nous nous assurons que tout soit bien inspecté afin que tout ce qui est rentré de la zone de l’aéroport en sorte. Tout ce processus nécessite 2 à 3 mois de préparation, il est donc indispensable que les productions nous contactent bien en avance pour un tournage.
S’ajouteront par ailleurs les mesures sanitaires comme contraintes supplémentaires pour les tournages à venir, avec le port du masque et le respect des distances de sécurité.
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L’aéroport a-t-elle une équipe particulière de sécurité ou est-ce l’équipe de production qui doit gérer cette partie ?
La production est obligée de passer par une équipe de sécurité de l’aéroport. Quand nous signons un contrat avec une société de production, j’emploie des agents aéroportuaires pour venir encadrer le tournage, en plus de notre équipe, gardienner les portes et ainsi assurer la sécurité des équipes et des passagers durant tout le tournage.
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Réaliser un tournage au sein d’un aéroport, dont il ne s’agit pas de la fonction première, constitue un véritable challenge pour les équipes aéroportuaires. La sécurité du public et des équipes, la garantie d’un environnement calme pendant que la caméra tourne, le blocage de certaines zones… représentent des enjeux importants. Quelles sont les conditions mises en place pour la réalisation d’un tournage ? Le public est-il apte à voir les scènes de loin ? Ou des distances sont-elles instaurées ?
Cela dépend du tournage ! La plupart du temps, nous essayions pour des long-métrages de tourner dans des zones où il n’y a pas de passagers. Ce n’est pas toujours évident mais nous arrivons à trouver des lieux ou des plages horaires qui conviennent. C’est en effet nécessaire car la production amène de la figuration donc le public ne doit pas être trop près, et surtout, nos passagers étant notre priorité, nous ne souhaitons pas qu’ils soient dérangés par un tournage en plein milieu de l’aéroport. L’année dernière, nous avons néanmoins fait une exception pour le film « Le meilleur reste à venir » avec Patrick Bruel et Fabrice Lucchini où les deux acteurs devaient déambuler dans un terminal au milieu des passagers dans l’aéroport.
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Un aéroport étant une zone internationale, quelles sont les régulations en matière de douane ? comment ça se passe au niveau du protocole douanier ?
Il n’y a pas vraiment de protocole douanier dans le sens où nous faisons appel à la police plus qu’à la douane. La police inspecte et contrôle tout ce qui rentre au sein de l’aéroport. À l’image d’un passager dont la valise sera contrôlée à son arrivée à l’aéroport, chaque camion et chaque matériel de l’équipe de production est soigneusement inspecté pour s’assurer qu’il soit bien conforme aux normes de sécurité aéroportuaires. Nous veillons qu’aucune personne de la production ne se déplace seule dans l’aéroport, même pour aller aux toilettes ! S’il y a un incident au niveau de la sécurité de l’aéroport, c’est toute l’exploitation qui en pâtit, mais également la production puisque le tournage devra être arrêté. C’est pourquoi les productions sont extrêmement sérieuses sur le sujet. Le principal responsable sur cet aspect-là est le régisseur, qui opère en tant qu’intermédiaire entre la production et nos équipes.
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Comment s’effectue les négociations pour satisfaire à la fois les besoins du film et les obligations de l’aéroport ?
Si notre travail est bien fait, tout est prévu à l’avance pour qu’au moment du tournage, il n’y ait pas de problème. Nous sommes tout le temps en contact avec le régisseur qui revient toujours vers nous pour nous indiquer les souhaits de la production. Cela nous permet d’en discuter et de voir ce qui est faisable. Il peut y avoir de la négociation, mais il est très rare d’improviser au moment du tournage, toujours pour des raisons de sécurité.
Les aléas que j’accepte le jour J vont être les problèmes que l’on ne peut pas prévoir comme un escalator qui tombe en panne. Mais tout ce qui concerne la mise en scène et la sécurité est réglé à l’avance, car cette organisation implique le travail de toute une chaine de sous-traitants. Chaque fois, nous constatons que les sociétés de production sont très bien organisées et nous n’avons généralement pas de demandes de dernière minute. En revanche, si les équipes d’un film ne sont pas rigoureuses, cela peut très mal se passer, mais cela reste très rare.
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Vous parliez des visites de repérage de l’équipe de production. Combien de temps avant le début du tournage ont lieu ces visites ?
C’est variable en fonction de la taille du film, mais pour un long-métrage, nous commençons généralement 3 mois avant. Le dossier doit partir en préfecture 5 semaines avant le début du tournage. Ce délai nous permet d’élaborer un rétro planning. Par habitude, les sociétés de production sont au courant des délais et il est très rare que nous soyons contactés au dernier moment pour un tournage. Il nous est même arrivé d’être sollicités au moment de l’écriture du film !
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Quelle est la demande la plus surréaliste que vous ayez eu ?
Une société de production nous avait demandé s’il était possible qu’un lionceau se mettent à courir dans un des terminaux de l’aéroport après s’être échappé d’une cage ! Le film ne s’est finalement pas fait, mais peut-être aurions-nous réussi à faire cette scène. Nous avons par exemple réussi à réaliser la scène du film Taken à l’aéroport Charles de Gaulle avec une impressionnante cascade. C’était ambitieux, mais nous y sommes parvenus !
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Quelle est la durée moyenne d’un tournage ?
Cela varie vraiment puisque tout dépend du nombre de scènes prévues dans l’aéroport pour le film. Nous avons par exemple hébergé le film « Le doudou » de Philippe Mechelen et Julien Hervé pendant 3 semaines. Pour certains long-métrages, une demi-journée de travail sera suffisante. Mais pour donner un ordre d’idée, la durée moyenne est de 2 à 3 jours consécutifs pour un long-métrage où l’aéroport a de l’importance dans le scénario. Ce qui est très intéressant pour les productions, c’est que l’aéroport n’est pas seulement constitué de terminaux mais aussi de réseaux routiers, de parkings, de bureaux… Nous avons même tourné des scènes au siège du groupe ADP !
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Existe-t-il des zones dans l’aéroport plus utilisées que d’autres ?
Le terminal 1 est très apprécié par les réalisateurs cherchant à obtenir un décor des années 1970, début des années 1980. Le hall M est aussi très demandé, car il s’agit d’une grande salle d’embarquement très moderne où l’on retrouve tous les codes de l’aéroport. Nous avons aussi les zones emblématiques de dépose de taxi, où l’aéroport Charles de Gaulle est bien visible et facilement reconnaissable.
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Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le tarif appliqué aux sociétés de production pour un tournage ?
Si une production reste 3 semaines, par exemple, nous allons proposer un forfait en fonction du nombre d’heures de tournage. Pour une petite scène de quelques heures, nous allons proposer un tarif horaire. Nous avons une grille publique qui nous permet de déterminer ce tarif. Parfois il est même possible de réaliser des économies d’échelle pour les sociétés de production. Les forfaits dépendent aussi du type de support (court-métrage, long métrage…) et du nombre de personnes impliquées dans le projet.
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Quel est le tournage qui a été le plus challengeant pour les équipes aéroportuaires, et pourquoi ?
Il y a 2 ans, nous avons accueilli « Le doudou » avec Kad Merad et Malik Bentalha. Ce tournage a représenté un vrai challenge puisque nous tournions tous les jours de la semaine avec un rythme soutenu. Nos équipes ont vraiment vécu en immersion dans le film et pris un réel plaisir à participer à un tel projet, malgré le rythme de travail épuisant.
Nous avons aussi le plaisir de recevoir certains tournages populaires ou d’accueillir des personnalités iconiques comme Clint Eastwood venu tourner son film « Le 15h17 pour Paris » sur l’attentat dans le Thalys. Nous avons tous été impressionné par cet homme de presque 90 ans, très simple avec son équipe. C’était un très beau cadeau pour nos équipes et nous-même.
J’ai aussi un souvenir mémorable avec Claude Lelouch, venu filmer « Un plus une » avec Jean Dujardin et Elsa Zylberstein. C’était absolument incroyable de partager 3 jours avec un réalisateur aussi reconnu et disponible. Ce sont des moments inoubliables. Ce qui est génial, c’est que, aussi grands réalisateurs qu’ils soient, ce sont des personnes qui retrouvent leurs yeux d’enfant en tournant dans un aéroport, à l’image de Jacques Audiard que nous avons accueilli l’année dernière.
Nous avons aussi accueilli le tournage du film « Bird People » de Pascale Ferrand, qui est un quasi huit clos dans l’aéroport Charles-de-Gaulle. Nous avons entre autres pu voir la réalisatrice filmer la tour de contrôle depuis un hélicoptère. Ce film est artistiquement fabuleux et le tournage reste donc un très beau souvenir pour nous.
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Des employés de l’aéroport sont-ils amenés à être figurants pour les besoins d’une production ?
Lorsque l’on travaille à l’aéroport, il n’est pas possible de travailler en parallèle sur le tournage. En revanche, si le personnel a envie d’être figurant, il est possible de le faire sur un jour de congé. Mais nous n’agissons pas en tant qu’intermédiaire dans ce cas-là. Il nous est donc déjà arrivé de voir à l’écran des employés que nous connaissions !
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Compte tenu du contexte actuel, des tournages sont-ils prévus dans le courant de l’année ? Envisagez-vous par exemple d’accueillir plus de productions en 2021 ?